Le « crowdfunding » ou financement participatif est une source de financement pour les entreprises en dehors des circuits classiques. En effet, une entreprise désirant emprunter peut traditionnellement faire appel aux prêt bancaires. Pour autant, l’appel à « la foule » permet de venir en complément ou substitution des prêts classiques.
Cette source de financement s’est développée avec l’essor d’internet dans les années 2000. Entre le premier semestre 2019 et le premier semestre 2020 (source: financeparticipative.org), la croissance des montants collectés a augmenté de 34% pour atteindre 321m€. Pour l’investisseur, c’est une source de diversification supplémentaire offrant de belles rentabilités (jusque 10%). Pour autant, il convient d’être attentif car à rentabilité élevée, risque élevé!
A titre personnel, j’affectionne le crowdfunding car il me permet de choisir les projets dans lesquels j’investi. Au risque de paraître utopique, investir directement dans l’économie réelle me parait plus concret. A titre d’exemple, j’ai pu participer au financement de la reprise de l’agence immobilière en bas de chez moi.
Les différents types de crowdfunding
Les dons
Plébiscité par les sociétés qui débutent, ce type de prêt permet de tester son marché sans risque financier car aucun remboursement ou intérêt n’est à rembourser. En contrepartie, la société peut offrir une carte postale, un t-shirt ou encore une pré-commande en fonction du montant du don. Ce financement peut également permettre de convaincre une banque en démontrant que le marché visé existe.
Vous l’aurez compris, il n’y a aucun rendement à espérer ici, mais ce peut être l’occasion d’aider un entrepreneur à démarrer son activité. A titre d’exemple, le site KissKissBankBank est la référence pour ce genre de projets.
L’investissement en capital
L’investissement en capital permet, comme son nom l’indique, de rentrer au capital d’une société ou de souscrire à des obligations. Quelque soit le mode de financement, la société ouvre son capital ou émet des obligations pour financer un projet. Dans le cas d’une souscription d’obligations, l’investisseur est rémunéré sous formes d’intérêts, l’obligation étant émise à un taux défini. Pour un investissement au capital l’investisseur devient alors propriétaire d’une partie de la société. En contrepartie, les dividendes voir les plus-values lors de la cession de ses parts viennent rémunérer le souscripteur.
Le risque est ici élevé car en cas de défaillance de l’entreprise, il y a fort à parier que la mise de départ sera perdue. A l’inverse, en cas d’explosion de la société, la valeur des parts va augmenter et fournir un retour sur investissement parfois très important. Si d’aventure cela vous intéresse, la plateforme Tudigo a déjà permis le financement de 1 500 entreprises.
Les prêts
Rémunérés ou non, les prêts peuvent venir en complément d’un prêt bancaire ou venir financer des dépenses non prises en compte par les banques. C’est ce type de prêt que nous allons développer ensuite. Intéressant car accessible à partir de 20€, le fonctionnement est très simple car tout un chacun a probablement déjà souscrit un prêt. Ici, vous inversez les rôle en devenant, avec d’autres prêteurs, la banque.
Comme pour un particulier, les prêts sont soit amortissables soit in-fine. Pour les prêts amortissables, vous recevez chaque mois une remboursement de capital (ce que vous avez prêter) et d’intérêts. Dans le cas ou vous prêtez in-fine, vous recevrez chaque mois les intérêts du prêt, le capital ne sera remboursé qu’au terme du prêt.
Crowdfunding: comment investir?
Les plateformes de crowdfunding
Des plateformes spécialisées mettent en relation les entreprises et les prêteurs. Avant toute chose, la plateforme doit être immatriculée à l’ORIAS. De plus, elle doit disposer du statut d’Intermédiaire en Financement Participatif (IFP).
Le nombre de plateformes a fortement augmenté ces dernières années et certains ce sont spécialisées. Ainsi, le financement de projet d’énergie renouvelable ou d’immobilier sont deux exemples de spécialisation.
Avant de pouvoir investir, il faut créer un compte puis fournir quelques documents pour justifier son identité. Une fois les formalités administratives complétées, vous pouvez alors vous lancer et participer au financement d’entreprises.
Evaluer un projet de crowdfunding
Une étude approfondie du projet est nécessaire pour limiter les risques de perte en capital
Déjà évoqué en introduction, une rentabilité intéressante va de paire avec un risque élevé. Il est donc indispensable de bien sélectionner les projets dans lesquels investir. Sans cela, la rentabilité ne sera assurément pas au rendez-vous.
La rentabilité
C’est évidemment le premier critère, chaque investissement doit dégager une rentabilité suffisante au regard du risque. Encore faut-il être en mesure de se forger une opinion sur le risque encouru…
Le secteur d’activité
Le secteur d’activité représente l’un des principaux facteurs de choix dans la sélection des projets. Parmi les secteurs qui offrent les taux de défaut les plus important, nous retrouvons le BTP ainsi que la restauration. Pour autant, cela ne veut pas dire que les projets sont à proscrire, mais que le risque devra être correctement rémunéré et la durée du prêt relativement courte par exemple. A l’inverse, l’immobilier semble aujourd’hui être une valeur « refuge » car les taux de défauts sont parmi les plus bas.
La localisation de l’entreprise
Tout comme le secteur d’activité, la localisation de l’entreprise, n’en déplaise, influe sur le taux de défaut. La région PACA semble la plus impactée. Encore une fois, cela ne signifie pas qu’aucun projet n’est valable mais une attention particulière doit être portée à l’analyse du projet.
L’âge de l’entreprise
Critère plutôt évident mais une entreprise bien établie dans le paysage présente un risque plus faible de défaut qu’une jeune pousse.
L’analyse du bilan
Les faits et rien que les faits. Le bilan est l’histoire de l’entreprise, il renseigne sur la manière dont les dirigeants à la barre conduise le navire. Nous ne traiterons pas ici de tous les ratios à considérer mais le taux d’endettement de la société ainsi que le ratio emprunt (sur 5 ans par ex)/fonds propres sont essentiels pour limiter les risques.
Objectif
En cumulant ces analyses et critères de sélection, l’objectif est de limiter le risque de perte en capital. Encore une fois, cela ne fait pas disparaître le risque, il s’agit de mieux le comprendre au regard de sa rémunération. Pour aller plus loin, October, un des acteurs majeurs du secteur évoque ces critères dans une rétrospective après 4 ans d’existence.
Taux de défaut et exposition du crowdfunding
Taux de défaut
Le taux de défaut peut s’exprimer sous deux formes. La première forme est le calcul du taux de défaut en nombre de projet. On divise alors le nombre de projets en défaut par le nombre total de projets financés. Pour la seconde, on divise le montant en défaut par le montant total prêté.
Les plateformes communiquent normalement leur taux de défaut de manière mensuelle ou trimestrielle. En plus des critères de sélection de projets, le taux de défaut au niveau de plateforme vous renseigne également sur la performance de l’analyse amont des plateformes.
L’exposition maximale
Ce ratio permet de vous indiquer votre risque de perte en capital, il est également étroitement lié à la diversification de votre portefeuille de projets. Pour calculer votre exposition maximale, il vous faut diviser le plus grand capital restant dû par l’encours total de vos projets. Exemple simple, vous avez au total prêté 1000€ et votre plus grand capital restant dû est de 100€, votre exposition maximale est donc de 10%. Ce calcul représente votre risque maximal de perte en capital. L’objectif idéal est de tendre vers 0% évidemment, mais 1% est déjà une sacrée performance.
Quelle plateforme choisir pour le crowdfunding?
Toutes les plateformes ne se valent pas et c’est un critère à également prendre en compte. Il faut bien comprendre que pour vivre, ces intermédiaires prélèvent des commissions sur les montants prêtés. De fait, certaines peuvent avoir tendance à être un peu moins regardantes sur la qualités des projets proposés pour gagner en revenus.
Mathématiquement, cela va se ressentir au niveau du taux de défaut de ces plateformes. A titre d’exemple, October, l’une des principales plateformes, affiche ses statistiques de performances. Ces chiffres sont néanmoins à pondérer. En effet, il est logique que le taux de défaut soit moins important sur des prêts débutés récemment. Si l’on regarde le taux de défaut de 2017, celui-ci s’élève tout de même à 14,92% (en nombre) ce qui est énorme.
De manière simpliste, cela signifie que sur 100 projets à 20€ (2000€ au total investi), vous perdez 300€. Les intérêts des projets remboursés entièrement ne compenserons pas ces pertes.
Wesharebonds
S’il ne fallait ne retenir qu’une plateforme, ce serait de mon point de vue Wesharebonds. Avec un taux de défaut de 1,67% (en décroissance), l’investissement est ici moins risqué qu’ailleurs. Autre point très appréciable, la qualité de la description de projets. En effet, elle est sans commune mesure avec d’autres plateformes comme October ou Credit.fr dont les descriptions trop succinctes ne permettent parfois pas de se faire une idée. A titre personnel, j’investis dans presque 100% des projets proposés.
A noter que depuis le 1er décembre, le ticket minimum d’investissement est passé à 1000€ ce qui réduit les possibilités de diversification.
Les Entreprêteurs
Comme pour Wesharebonds, la description des projets est un réel atout. Pour autant, le taux de défaut est en explosion et atteint près de 10%. La méfiance est donc de mise après un début de carrière pourtant prometteur.
La fiscalité?
Le Prélèvement Forfaitaire Unique
Les gains réalisés sont soumis au PFU, soit 17,2% de CSG auxquels vient s’ajouter 12,8% d’IR. La fiscalité impacte donc le rendement brut des projets. Un projet à 10% d’intérêts ne propose en réalité que 7% net.
Les plateformes communiquent directement aux impôts ces informations qui apparaissent donc dans votre déclaration de revenus en mai de l’année n+1.
L’exemption de PFU
Il est également possible de choisir l’exemption de PFU avant le 30 novembre de chaque année sous condition de revenus. Il est important de savoir que ce choix est global pour l’ensemble de vos revenus liés à des dividendes ou intérêts. La décision de demander cette dispense est donc à calculer au cas par cas. Enfin, cela n’enlève pas le fait que la CSG reste due. De plus, vos revenus sont alors imposés au barème de l’IR. Conclusion, ce n’est pas un cadeau mais plutôt un décalage de trésorerie de quelques mois.
Le défaut de l’entreprise émettrice
Dans le cas ou l’entreprise fait défaut et une fois la liquidation judiciaire menée à son terme, les plateformes communiques un certificat irrecevabilité. Ce certificat permet de déduire une partie de vos pertes de vos autres gains et donc de limiter l’impact d’un défaut.
Les risques sont importants et sont proches de la spéculation plutôt que de l’investissement.
Les risques liés au crowdfunding
Risque de perte en capital
Une fois n’est pas coutume, le crowdfunding présente des risques. Et plus encore que la bourse ou d’autres types de placement, nous sommes ici dans la sphère de la spéculation plus que de l’investissement. Les risques en perte de capital sont très élevés, même comparés au rendement servi. Ce type de placement doit donc être exclusivement réservé à de l’argent dont vous n’avez pas besoin au quotidien. En cas de défaillance de l’entreprise, le capital investi est perdu.
Risque d’illiquidité
Il est impossible de céder des souscriptions à des obligations ou des prêts de TPE/PME. Il n’existe par de marché secondaire permettant la revente des créances émises par des sociétés non cotées. En cas de besoin, vous ne pouvez liquider vos positions pour retrouver votre mise de départ.
Les autres risques du crowdfunding
La description du projet détaille les risques propres à chaque projet. Le secteur d’activité, l’ancienneté du dirigeant peuvent être des risques. Nous pouvons également lister ici le risque lié à la dépendance de la société à son dirigeant ou encore la concurrence.
Mon expérience du Crowdfunding
Comme à chaque fois, j’essaye d’être le plus transparent sur les investissements que j’aborde sur le blog. Concernant le crowdfunding, j’ai commencé à investir dans des TPE/PME en septembre 2018. Depuis, j’ai participé à 48 projets dont 4 sont terminés.
Le montant total investi « de ma poche » est d’environ 2 000€ pour 3 930€ prêtés au total. Cette différence s’explique du fait que je réinvestisse dans de nouveaux projets mes remboursements.
Mon taux de défaut est aujourd’hui de 0% et le TRI s’élève à 7,70%. Le TRI est un excellent indicateur pour comparer des investissements entre eux. A titre de comparaison, le TRI du livret A est de 0,75%. Pour autant, l’écart s’explique car il n’y a aucun risque sur le capital placé sur un Livret A. De plus, l’argent est immédiatement disponible contrairement aux prêts.
En deux ans, j’ai perçu 200€ bruts d’intérêts soit 13% de rendement annuel.
Tentés par le crowdfunding ? N’hésitez pas à me demander des codes parrainage via le formulaire de contact, ces petits bonus me permettront de financer le blog. A vos claviers!
Pour conclure, un dernier petit conseil: ne pas investir deux fois sur une même société tant que le premier emprunt n’est pas remboursé ou à condition que le second serve à rembourser par anticipation le premier. En cas de défaut de la société, vous perdez dans les deux cas, autant donc s’abstenir de chercher le diable 🙂
A retenir
- Le crowdfunding est une source de diversification
- Nous quittons la sphère de l’investissement pour celle de la spéculation tant les risques sont importants
- Les placements sont illiquides, vous ne devez donc investir que e l’épargne dont vous n’aurez nul besoin
- Comme toujours, rendements élevés = risques élevés
- Ne pas investir sur la même société de manière concomitante